Bon, on ressucite un sujet avec un peu de création spontannée...
Ouaip, je sais, je devais me coucher tôt (ne me chicane pas Pivoine...
lol!), mais bon... suis libéré de mon exam, et plutôt content de l'être...
Et bon, j'ai une hypothèse expérimentale à tester : est-ce que quelques bières et quelques victoires au babyfoot favorisent l'élan créatif? C'est ce que je me propose de tester à l'instant...
=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=
Un fine bruine tombait sur le village... mais notre homme s'en fout royalement. Parce qu'il avait mieux à faire, en fait... mieux à faire, oh que oui! Et il se comptait des histoires, tout en épluchant des patates pour sa prochaine fournée de pâté chinois, songeant à ce qu'aurait pu être sa vie s'il avait choisi une autre voie, s'il n'était pas devenu propriétaire de ce kiosque à poutine perdu au fin fond de l'Abitibi.
"J'ai mieux à faire, car je suis un astronaute."Et l'homme se voit, flottant dans en apesanteur dans une drôle de substance baptisée "le vide", se demandant soudainement pourquoi cet élément avait mérité un nom aussi... vide. Parce que "le vide", ça ne réfère à rien. Mais comment sait-on qu'il n'y a rien? Et d'abord, si on lui donne un nom, n'est-ce pas signe que ce n'est pas rien? Et alors que notre homme s'imgine que le mouvemetn qu'il effectue en pelant ses pommes de terre reproduit en fait le mouvement qu'il ferait pour tourner la molette d'un obscur appareil technologiquement plus avancé que les hémisphères de Magdeburg, l'homme pense soudainement à Colombo, et son chien prénommé "le chien". On sait que c'est un chien, puisqu'il se prénomme "le chien".... Mais le vide... est-ce si évident qu'il est vide? Et tandis qu'il songe, effectivement, son cerveau se vide... Car quand on songe au vide, que reste-t-il, au fait?
Et soudain la réalité reprend le dessus, alors qu'on cogne à la fenêtre de son vieux motorisé immobilisé sur le bas côté d'une route provinciale.
- Deux steamés ketchup moutarde avec des oignons!Et l'homme se demande qu'est-ce qui peut bien pousser les gens à commander des hot-dogs par un jour de pluie... Mais il n'y songe pas longtemps, car tandis qu'il badigeonne la saucisse de ketchup, il se dit, de nouveau, qu'il a mieux à faire.
"J'ai mieux à faire... car je suis un peintre."Et l'homme, plutôt que d'étendre de la sauce tomate sur de la simili-viande cylindrique, étend de la peinture sur une toile, faisant naître formes et contrastes, créant le concret par l'abstrait, amenant à la vie nuance et dégradés, afin de former le plus beau couché de soleil qui soi. Il crée, il fait naître, il est un Dieu... car au fait, ne crée-t-il pas ses propres aspirations, faisant apparaître sur planche des images que d'autres n'auraient pu imaginer? Mais au fait... comment Dieu sait-il qu'il est Dieu? Le peintre dessine, le peintre crée... comme un Dieu... mais qui l'a créé, lui? Et notre homme songe à la génération spontanée, qu'on n'a même pas pu prouver chez les mouches.... alors chez les Dieux? Bien peu envisageable. S'ils existent, ils viennnent forcément de quelque part... Seraient-ils issus du vide?
On tape sur la clochette sur le comptoir. La dame qui réclame ses steamés et, par le fait même, son cholestérol quotidien. L'homme lève légèrement les yeux vers le haut, termine ses deux chef-d'oeuvre et les transporte au comptoir. Il fait glisser la fenêtre.
- Quatre dollars, s'il vous plaît.Et on lui jette 4.50$ sur le comptoir avant de filer, comme ça, sans remerciements, sans considération. Il a fait son boulot, une fois de plus, sans gloire, sans honneur, sans rien... même pas le sentiment du devoir accompli. Car après tout, que fait-il de sa vie, mis-à-part engraisser la population? Et d'ailleurs, avec son chèque du gouvernement qui rentre tous les mois, il s'engraisse lui-même aux dépends de la société... Ironie du sort? Certains pourraient en rire, mais pas lui. Et il se rassit, songeur. Car il a mieux à faire que se plaindre.
"J'ai mieux à faire car je suis un scientifique."Et il se voit en laboratoire, à faire pousser ses bactéries. Bien grand mot, à vrai dire, puisqu'il se contente de demeurer assis, comme ça, devant l'incubateur, à songer à un quelconque problème à résoudre... Et si on amenait ce groupement chimique près de l'autre, obtiendra-t-on une protéine plus réactive? Et il songe, avec une sourire, à la petite bactérie qui explose suite à une fausse manipulation... Résultat expérimental : si on approche le groupement aldéhyde, la bactérie explose. Hypothèse réfutée, théorie confirmée, et on passe à l'option suivante. Un groupement acétone peut-être? Et une autre mini-explosion, avec des flagelles qui montent d'un côté et de l'autre dans les airs, et des LPS qui s'éparpillent sur son bureau. De quoi causer un choc sceptique, peut-être? Il en doute fort... peut-être faudrait-il tester? Mais la stratégie essaie-erreur lui semble soudainement un peu moins souhaitable... Peut-être que les Dieux procèdent par essais-erreurs? Peut-être qu'ils voulaient créer le vide, mais qu'ils ont plutôt vu apparaître une orde de primates se croyant évolués qui se sont donnés pour mission de couper les arbres... Essais... erreur... étrange... Laissons-les aller... Et d'ailleurs, les Dieux savent-ils eux-mêmes ce qu'est le vide? On peut créer bien des choses... mais peut-on créer le vide?
Et notre homme a de nouveau les pensées vides... en fait, il visualise une boîte noire... de l'intérieur. Et il respire régulièrement, doucement, soudainement fort calme. Toc toc... on cogne à la fenêtre.
- Une poutine boeuf hâché oignons.Et notre homme se remet à la tâche, jetant dans l'huile les pommes de terre qu'il a inconsciemment coupées pendant sa rêverie, se disant soudainement que, s'il était scientifique, il aurait mieux à faire... et qu'il chercherait d'où provient l'élément brun de la sauce à poutine. Et il brasse la drôle de mixture, afin d'éliminer la croûte qui s'est formée sur le dessus, songeant qu'il a mieux à faire que de tenter de résoudre le mystère d'une couleur. Car après tout, les scientifiques se sont-ils questionnés quand ils ont créé la bombe atomique? Ils avaient probablement mieux à faire... peut-être tentait-il de recréer une vide? Songeant à Hiroshima, l'homme se dit que, pour une fois, les scientifiques ont réussi à atteindre leur but...! Ils ont créé le vide... sont-ils des Dieux? Mais attendez un instant... non, il y a encore des débris. Voilà, tout aurait dû disparaître, pouf, en cendre, mais non... suffit de voir cette poutre d'acier qui vient gâcher le portrait... essais, erreur...!
"J'ai mieux à faire car je suis maçon."Et la sauce qu'il brasse devient du ciment à maçonnerie, alors qu'il s'apprête à élever un autre mur. Un mur de brique, un mur bien doublé, un mur de protection, un mur... qui, au fond, ne fait qu'ajouter une couche bien solide sur ses aspirations. Car avec les années, notre homme est devenu un maçon de la raison, qui sait fort bien que certaines idées doivent être ignorées. D'ailleurs, s'il était maçon, il batîrait bien peu de mur, car il considère que les gens en construisent déjà trop entre eux. Mur de la langue, mur de la culture, mur de la couleur, mur de la politique... mur de la bêtise humaine? S'il était maçon, il construirait plutôt une vaste demeure de la grandeur d'une ville... mais il n'est pas maçon, il gère un kiosque de restauration rapide et a quitté les études à 17 ans. Et il a parfois une impression de vide. Thérapie par le vide... il ne songe à rien... et se sent mieux. Car il est des choses sur lesquelles il préfère faire le vide... même si parfois l'incertitude que le vide amène l'effraie.
Il envoit un bon tas de frites dans le fond d'une assiette d'aluminium, recouvre le tout de fromage qui fait "scouic", se demandant fugitivement d'où vient le bruit, avant de recouvrir le tout d'une généreuse dose d'élément brun liquide. Le fromage fond et ne fera plus jamais "scouic"... mais de toute façon, l'important, c'est que le son soit présent au départ! La fenêtre glisse, l'argent abouti sur le comptoir, et le cholestérol dans les mains du client.
Et l'homme pense soudainement aux métiers qu'il a énuméré, se demandant s'ils sont effectivement aussi vides que le sien. Ceux-là se dépassent pour la gloire, ceux-ci par ogueil... Ceux de gauches veulent compenser leur manque d'aptitudes par leurs bons sentiments, ceux de droites veulent un tondeuse plus grosse que celle du voisin. Et lui, au fait, que veut-il? Et il cherche... et ne trouve pas. Car il lui semble que tout ce qu'il voudrait est inaccessible. Dring, le téléphone sonne... il répond ("Snack Bar Chez Bertand... c'est pour une livraison?"), mais la voix au bout du fil, loin de l'ennuyer, lui tire un sourire. Non, ce n'est pas pour une livraison... Et il dit peu de choses, mais sourit toujours. Et il raccroche, toujours assis, toujours souriant.
Soudain, il redevient maçon, mais construit une maison. Soudain il redevient scientifique, et invente un remède au malheur. Soudain il redevient peintre, et dessine un paradis sur terre. Soudain il redevient astronaute, et découvre une planète. Pourquoi souhaite-t-il devenir tout cela, alors qu'il l'est déjà, en fait?
=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=
Morale de cette histoire : on ne sait jamais où nous mènera notre élan créatif lorsqu'on le lâche lousse à 1h15 am...
Morale #2 : le bonheur, ce n'est pas si complexe...
Bon d'accord, je suis peut-être un peu trop idéaliste ces temps-ci... n'empêche... y'a un peu de vrai dans tout ça...