Une porte s’ouvrit pour laisser passer une toute jeune fille vêtue avec goût et un sourire qui éclairait son visage portant encore la marque de l’enfance. Une légère révérence et la dame d’atours ouvrit une petite bouche rougie par un maquillage réfléchi :
« Ma maîtresse va vous recevoir en son cabinet. Si vous voulez bien me suivre, Mademoiselle de Laguiole… »
Et en un joli tournoiement d’étoffes, la voilà qui fit un joli demi-tour. Elle faisait partie de celles que la Duchesse d’Orléans avait choisi pour accueillir ses visiteurs, leur faire une bonne impression, les mettre dans les meilleures conditions qui soient. Sous leurs apparences innocentes, elles étaient d’excellentes actrices capables de mettre de la chaleur dans une pièce si elle le désirait autant que de glacer l’ambiance lorsqu’il s’agissait de mettre mal à l’aise dont Henriette n’appréciait pas la présence ou à qui elle voulait du mal. Et puis ces filles qui lui devaient tout étaient tellement plus fidèles que l’ensemble des jeunes femmes de haute noblesse qui n’entraient dans sa maison que pour gagner en importance sans penser avoir des devoirs.
La jeune fille en question s’effaça une foi dans la nouvelle pièce tout aussi bien meublée et décorée que la précédente, bien qu’à l’évidence plus propice aux conversations, afin de laisser passer la nouvelle venue. Madame inclina élégamment la tête en signe de bienvenue puis s’assit dans l’un de ces sièges dont la vente aurait rapporté assez pour nourrir une famille pendant un an au bas mot.
« Entrez Mademoiselle de Laguiole. L’on m’a dit que vous me portez un message du Duc de York. Vous m’en voyez ravie et vous êtes la bienvenue ici. »
Tout sourire charmant, une foi de plus la Duchesse apparaissait comme la femme raffinée de la Cour. Derrière ces jolis yeux, elle détaillait sans en avoir l’air la jeune femme qui venait d’entrer dans ses appartements se demandant pourquoi elle avait été choisie pour lui porter ce message. Madame se posait quantité de questions sur toute personne qui attirait son attention de quelque façon que ce soit, à savoir par une intelligence stupéfiante autant que par un geste un peu brusque attirant les regards. Et c’était peut être pour cela qu’elle connaissait si bien la Cour.
Un serviteur, qui pour ne pas payer de mine, n’en avait pas moins été choisi lui aussi avec grand soin pénétra dans la salle pour poser un plateau sur la table devant sa maîtresse. Il contenait deux tasses terriblement travaillées et dans lesquelles l’homme versa consciencieusement un liquide ambré et fumant. Il ajouta un sucre et très peu de lait à la première tasse, sachant de toute évidence ce que la Dame qui l’avait engager préférait. Et puis se tournant vers la nouvelle venue, il haussa les sourcils d’un air interrogatif, ne se permettant pas pour autant de parler sans y avoir été invité.
« Partagerez vous cette légère collation avec moi ? »
Elle fit un geste en direction des tasses et des quelques légers gâteaux reposant dans une assiette non moins décorée. Pourquoi se passer du plaisir des belles choses quand on est la femme de l’homme probablement le plus riche de France ? C’était d’ailleurs peut être sa seule qualité aux yeux de son épouse.